Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traits, composés pour et dans le salon de Mademoiselle, abondent en détails qu’on ne se permettroit plus aujourd’hui. Il y a des poésies de Mme de la Suze, le Busc, Jouissance, etc., qui nous paroîtroient obscènes ; toutes les dames savoient par cœur le Pastor fido, où on lisoit que l’honestate altro non é, che un arte di parer honesta.

C’étoit l’excès, dans l’usage de la liberté ; mais il étoit assez répandu et on l’eût dit ingénu. La discipline ecclésiastique, alors reçue, favorisoit même une licence que la vraie morale religieuse réprouve hautement. Voyez comment se marioit une honnête femme, Mme de la Guette ! secrètement, sous les fenêtres d’un père qui refusoit de l’unir à son amant, et avec une dispense de son archevêque. Notre Code civil est bien meilleur Magister morum que le droit canonique. Rien n’étoit plus commun, alors, que les mariages clandestins, et les parlements leur ont fait longtemps la guerre. On voyoit même des mariages qui n’en avoient pas le nom ; c’étoit le siècle des attachements et des arrangements. Gilles Ménage ne perdit point l’estime, en vivant sous le même toit que Mme de Cressy. Le scandale ne vint que de la séparation. Pour les correspondances galantes, tout le monde s’en donnoit le plaisir, et des abbés estimables ne se le refusoient pas. Le mariage romanesque étoit de mode et fort en faveur. Mlle de Rohan avec Chabot, Mlle de Montpensier avec Lauzun, sont d’illustres exemples de l’esprit de leur temps. L’histoire de Tancrède de Rohan est moins édifiante. La société y prit néanmoins de l’intérêt. Je m’en rapporte à Tallemant et au père Griffet.