Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/447

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vous avez donné des bornes si justes à vos esprits, que vous semblez condamner vous-mêmes le mot que vous défendez15.


15. Dans un ancien manuscrit de M. Saint-Évremond, au lieu de cette dernière période : En effet, messieurs, vous avez donné des bornes si justes à vos esprits, etc. ; on trouve quelques traits fort vifs, contre Messieurs de l’Académie françoise, que M. de Saint-Évremond jugea à propos de supprimer, lorsqu’il communiqua cette pièce à ses amis. Cependant j’ai cru que le lecteur ne seroit pas fâché de voir ce morceau. Le voici :

« En effet, messieurs, travailleriez-vous, depuis quarante ans, à retrancher huit ou dix mots de notre langue, sans la juste aversion que vous avez conçue, contre l’esprit vaste ?

« Ceux qui ont eu le plus de réputation, parmi vous, ont vieilli sur des traductions : faisant métier proprement d’assujettir leur sens à celui des autres. Y a-t-il rien de si opposé à l’esprit vaste ?

« Si vous laissiez agir votre génie, dans toute son étendue, vous pourriez faire des historiens dignes de la grandeur de notre État. Cependant, messieurs, vous vous contentez d’écrire quelque relation polie, ou quelque petite Nouvelle galante. N’est-ce pas prendre toutes les précautions possibles contre le vaste ?

« Quelques-uns imitent Horace servilement ; quelques autres veulent accommoder les ouvrages des Grecs et des Latins à notre goût, et personne n’oseroit s’abandonner à son imagination. Tant on a peur de ce vaste, où la justesse de vos règles seroit mal gardée !

« Je ne m’alarme donc point, messieurs, du jugement que vous venez de donner. Ce que vous écrivez dément ce que vous dites. Vos ouvrages, monuments éternels de votre haine contre le vaste, ruinent votre décision.

« Dans la vérité, messieurs, tout ce que vous faites est