Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/48

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alors, et a produit fort longtemps depuis, des vertus mal entendues.


CHAPITRE II.
Du génie des premiers Romains, dans les commencements
de la république.

Dans les premiers temps de la République, on étoit furieux de liberté et de bien public. L’amour du pays ne laissoit rien aux mouvements de la nature. Le zèle du citoyen déroboit l’homme à lui-même. Tantôt, par une justice farouche, le père faisoit mourir son propre fils, pour avoir fait une belle action qu’il n’avoit pas commandée ; tantôt, on se dévouoit soi-même, par une superstition aussi cruelle que ridicule, comme si le but de la société étoit de nous obliger à mourir, bien qu’elle ait été instituée pour nous faire vivre avec moins de danger, et plus à notre aise. La vaillance avoit je ne sais quoi de féroce, et l’opiniâtreté des combats tenoit lieu de science, dans la guerre. Les conquêtes n’avoient encore rien de noble : ce n’étoit point un esprit de supériorité qui cherchât à s’élever ambitieusement au-dessus des autres. À proprement parler, les Romains étoient des voisins fâcheux et violents, qui vouloient chasser les justes possesseurs de leurs maisons, et labourer, la force à la main, les champs des autres.