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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

On attribue cette différence à la pétulance et au peu de gravité des natifs du koualla, dispositions peu favorables à l’obéissance filiale comme au prestige de l’autorité paternelle ; on l’attribue également, et avec plus de raison peut-être, à l’instabilité du foyer domestique. En effet, les contrées kouallas sont d’une fécondité prodigieuse ; souvent elles rapportent plus de 400 pour 1 ; mais leur production est sujette à des retours désastreux causés par les sécheresses, les sauterelles, les épizooties, les animaux sauvages, enfin, par la mortalité qui suit la recrudescence des fièvres du printemps et de l’automne, et qui arrête quelquefois, en quelques semaines, la prospérité d’une maison ou de tout un district ; aussi, les habitants des kouallas sont-ils souvent réduits à l’émigration. Comme je l’ai dit ailleurs, leur attachement à leurs terres est tel, que ce n’est qu’à la dernière extrémité qu’ils les abandonnent. Souvent ils vivent dispersés durant plusieurs années ; quelquefois même leur génération s’éteint à l’étranger, mais leurs enfants guettent le moment où ils pourront se rétablir dans le district paternel, et, trait digne de remarque, lorsqu’ils en reprennent possession, la tradition locale est assez vivante et assez précise, pour qu’à la première assemblée, la hiérarchie communale soit réinstituée d’après les règles qui auraient été suivies si la population n’avait jamais quitté le district. La délimitation des propriétés est rétablie avec une exactitude qui prévient habituellement les procès ; les alliances et les démêlés avec les communes voisines sont renouvelés, et, si les premières récoltes, l’état de la politique et les conditions sanitaires sont favorables, la commune redevient riche, mais