Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
DOUZE ANS DE SÉJOUR

la famille ne répare qu’imparfaitement les atteintes que de telles péripéties ont portées à son esprit. Dans les contrées deugas, au contraire, toutes salubres, la fertilité est bien moindre, il est vrai, mais elle est continue ; les sauterelles et les épizooties ne les envahissent qu’à de longs intervalles ; la richesse s’accroît lentement, mais sa durée sauvegarde le calme de la famille et la transmission inaltérée de son esprit.

La portion la plus considérable, peut-être, de la nation éthiopienne habite ces contrées d’altitude intermédiaire nommées Waïna-Deugas. Est-ce parce que, ordinairement, les termes moyens l’emportent, et que les moyennes sont à la fois les causes et le résultat des civilisations ? Le fait est que presque toutes les villes sont établies sur les Waïna-Deugas, et que les populations passent pour y être les plus civilisées. Leur climat, leurs productions agricoles, leur flore et leur faune tiennent en partie du koualla et en partie du deuga. Les habitants de ces dernières contrées ne s’adonnent qu’à l’agriculture, à la guerre, à la chasse ou à l’élève des troupeaux. Les natifs des Waïna-Deugas s’adonnent de préférence aux métiers, aux industries et au commerce ; ils sont peu enclins à la vie militaire, et professent du dédain pour la condition du laboureur. Les musiciens, les trafiquants, les avocats, les histrions, les bouffons, les délateurs de profession, les usuriers, les professeurs de grammaire et de controverse religieuse, sont en général natifs des Waïna-Deugas ; c’est là que la langue est parlée avec le plus de pureté ; mais les professeurs d’histoire, de droit et de théologie, viennent des kouallas et surtout des deugas. Les habitants des Waïna-Deugas sont avenants mais peu