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DOUZE ANS DE SÉJOUR

L’Atsé était investi d’une sorte de délégation de pouvoirs militaires, administratifs, judiciaires et, par fiction seulement, de pouvoirs cléricaux ; mais dans la limite de curateur de ces pouvoirs. D’après les feudistes indigènes, la nation éthiopienne aurait été une nation d’hommes libres, ayant pour chef un homme qui ne l’était pas. En tout cas, il semblerait que l’on pût dire des princes éthiopiens ce que Tacite disait des princes germains : de minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes.

Tous les citoyens étaient astreints au service de guerre, et leur réunion composait les armées nationales : les habitants des frontières gardaient les frontières ; les autres suivaient l’Atsé à la guerre. L’Atsé était l’organe du commandement suprême dont il puisait la raison dans le conseil des grands Polémarques ou Dedjazmatchs dont le nom signifie : porte des gens en campagne. Ces Dedjazmatchs, dont les pouvoirs expiraient presque complètement à la fin de la campagne, étaient désignés par les citoyens à la nomination de l’Atsé, et chacun d’eux commandait aux hommes d’armes représentant une province ou quelque grande division territoriale. On rassemblait l’armée par bans impériaux émanant de l’Atsé assisté de son grand conseil. Certaines provinces, les unes privilégiées, les autres désignées par le sort ou par les circonstances, se relayaient pour veiller à la sûreté de la personne de l’Atsé et contribuer à la splendeur de sa cour. La garde de chaque jour se composait de mille hommes. L’Atsé avait aussi le droit de former, pour son service personnel, un corps de troupe qui ne devait pas excéder quelques centaines d’hommes.

En sa qualité de gardien de la Justice, l’Atsé