Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

cassait ou confirmait les arrêts soumis à sa cour, qui était composée de quatre grands juges nommés Likaontes (mesureurs, modérateurs) et de quatre assesseurs nommés Azzages (ordonnateurs, commandeurs), tous héréditaires, mais astreints néanmoins à la confirmation de l’Atsé. Le nombre de ces magistrats a été doublé quelquefois, mais il était presque toujours de huit. Ces huit magistrats formaient le noyau du grand Conseil de l’Empire auquel on adjoignait quelques grands officiers de la maison de l’Atsé, quelques grands feudataires, ainsi que quelques hauts dignitaires ecclésiastiques. La noblesse des Likaontes remontait aux Hébreux, celle des Azzages était d’origine éthiopienne. Le costume de ces magistrats était celui du clergé. De même que l’Atsé, ils ne portaient point d’armes sur leurs personnes, mais on en portait devant eux pour leur faire honneur ; ils devaient résider auprès de l’Atsé et le suivre même à la guerre. Les Likaontes, qui exerçaient vis-à-vis de l’Atsé un droit de remontrances et, en quelques circonstances, celui de veto suspensif, faisaient la répartition des impôts et redevances dus à l’Empereur par les grands vassaux ; les Azzages veillaient à leur perception et à la gestion du domaine impérial, composé de terres de peu d’étendue, éparses dans les provinces éloignées.

On comprend que ce tribunal suprême, composé à la rigueur de neuf juges, pût suffire, même dans un vaste empire, à ses importantes attributions. La richesse nationale était agricole, et l’agriculture s’appuyait sur la forte constitution de la famille, en dehors de laquelle la propriété ne se transmettait que très-rarement. Ce régime excluait l’intervention de l’auto-