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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

impériale aura satisfait à la justice divine par son humiliation prolongée, un de ses membres relèvera, avec le trône de ses ancêtres, les anciennes lois et les constitutions, et les malheurs de la nation auront leur terme. Par suite de cette croyance, aucun chef ne voudrait accepter dans ses troupes un prince agnat. Aussi, parmi ces princes, ceux qui laissent soupçonner quelque ambition ou quelques qualités supérieures, sont-ils les plus malheureux. Les hommes au pouvoir étouffent leur fortune par tous les moyens et les réduisent à se considérer heureux de pouvoir s’assurer le pain quotidien. La principale ressource de ces agnats consiste actuellement dans les aumônes qu’ils reçoivent de quelques Dedjazmatchs. Quelques-uns se tiennent à l’affût des évènements politiques et se font comme les clients de quelque Polémarque, tel que celui du Tegraïe, du Bégamdir, du Samen ou du Gojam, dans l’espoir de leur voir acquérir un jour la prépotence, à l’abri de laquelle ils pourront remplacer le simulacre d’Empereur qui siége à Gondar.

Sahala Dinguil, dont je venais de guérir la femme, et qui portait le titre d’Atsé depuis quelques années déjà, lors de mon entrée dans le pays, avait été deux fois détrôné, sans bruit, par son patron le Ras Ali, Gouverneur de Bégamdir, dont relève la ville de Gondar ; mais, chaque fois, il avait été rétabli dans sa majesté dérisoire, grâce à la croyance populaire que tant qu’il serait Atsé, il ne devait y avoir ni peste ni famine, et que la famille de Gouksa se maintiendrait au pouvoir.

Gondar, dernière capitale de l’Empire, a été fondée par l’Atsé Facilidas, peu de temps après l’expulsion de la Mission portugaise. Quelques érudits