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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

de rempart, le Dedjadj Kassa fit à mon frère une excellente réception ; il manda Gabraïe, le réprimanda et lui fit restituer les dix talari ; mon frère les fit donner immédiatement à l’église du lieu. On servit un repas, et tout allait pour le mieux, lorsqu’un des principaux seigneurs de la cour, mû par une curiosité indiscrète, s’avisa de toucher à la barbe naissante de mon frère ; celui-ci répondit par un soufflet. Heureusement, le Dedjadj Kassa apaisa l’émotion de ses gens, fit faire des excuses à mon frère et lui dit que la privauté dont il s’était offensé était sans conséquence ; puis, après l’avoir comblé de prévenances, il le renvoya, avec un soldat chargé de l’accompagner et de faire transporter ses bagages par corvées, de village en village, jusqu’à la frontière du Dedjadj Oubié. Mon frère retourna à Maïe-Ouraïe d’où il se mit en route pour Adwa, et je le rejoignis avec mes trente porteurs, d’autant plus à propos qu’il n’avançait qu’avec la plus grande peine, à cause de la difficulté, qui se renouvelait à chaque village, de réunir les paysans de corvée.

Deux jours après nous entrâmes enfin à Adwa. La route de Halaïe à Adwa se fait ordinairement en trois jours ; nous y avions mis presque un mois ; mais notre fermeté à résister à une demande injuste avait eu du retentissement et commençait déjà à nous valoir les égards dont nous avons joui depuis dans nos voyages.

Comme il convenait d’annoncer sans retard au prince notre heureuse arrivée, je me rendis dès le lendemain chez lui. Il était campé à quelques kilomètres d’Adwa sur une colline ; l’armée campait autour, sur des terrains nus, accidentés, mais à proximité de sources et de bons pâturages ; les principaux