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LETTRE SEPTIÈME
RÉPONSE D’ABÉLARD À HÉLOÏSE
SOMMAIRE
Abélard, à qui Héloïse, dans sa lettre précédente, avait demandé, tant en son nom qu’au nom de ses compagnes, de leur écrire touchant l’origine de l’ordre des religieuses, répond avec de larges développements à cette lettre et à ce désir. Faisant remonter l’origine de l’ordre à la primitive Église et jusqu’à la sainte association instituée par le Sauveur du monde, il passe en revue ce que Philon le Juif et ce que l’Histoire Tripartite rapportent des premiers ascètes. Partout, dans cette lettre, il exalte le sexe féminin, et il honore de ses louanges la virginité, non-seulement chez les chrétiennes et chez les juives, mais encore chez les femmes du paganisme. Enfin, ce morceau, dans son ensemble, n’est presque qu’un délicat panégyrique du sexe féminin. Abélard s’attache surtout à l’éloge de la virginité, dont il cite de remarquables exemples chez les païens.


Votre pieux zèle, très-chère sœur, m’a interrogé en votre nom et au nom de vos filles spirituelles sur l’ordre auquel vous appartenez ; vous désirez connaître l’origine des congrégations de religieuses : je vais vous répondre en peu de mots et aussi succinctement qu’il sera possible.

I. C’est de Jésus-Christ même que les ordres monastiques d’hommes et de femmes ont reçu la forme parfaite de leur constitution. Avant l’incarnation du Sauveur, il y avait bien eu, tant pour les hommes que pour les femmes, quelques essais de ces sortes d’établissements. Saint Jérôme, en effet, écrit à Eustochie : « Les fils des prophètes que l’Ancien Testament nous représente comme des moines, etc. » Saint Luc aussi rapporte qu’Anne, étant veuve, se consacra au service du temple, qu’elle mérita d’y recevoir le Seigneur, conjointement avec Siméon, et d’être remplie de l’esprit prophétique. Nais ce n’étaient que des ébauches. C’est Jésus-Christ, la fin de la justice et l’accomplissement de tous les biens, venu dans la plénitude des temps pour achever ce qui n’était qu’ébauche et faire connaître ce qui était inconnu, c’est lui qui, de même qu’il était venu pour racheter les deux sexes, a daigné les rassembler l’un et l’autre dans le véritable couvent de ses fidèles ; sanctionnant ainsi, pour les hommes et pour les femmes, le prin-