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lettres d’abélard et d’héloïse.

Leur finesse même fait qu’ils se détériorent plus aisément et procurent au corps moins de chaleur.

Les habits seront d’étoffe de laine noire. Point d’autre couleur, c’est celle qui convient au deuil de la pénitence, et aucune fourrure ne va mieux que celle des agneaux aux épouses du Christ. Ce vêtement leur remettra en mémoire qu’elles doivent toujours paraître revêtues, ou se revêtir de l’Agneau, époux des vierges.

Les voiles ne seront pas de soie, mais de toile ou d’étoffe teinte. Il y en aura de deux sortes : les uns pour les vierges qui auront prononcé les vœux, les autres pour les novices. Les voiles des vierges consacrées seront marqués du signe de la croix, lequel témoignera par sa blancheur que leur corps est entièrement voué à Jésus Christ, et que la différence qui existe entre leur habit et celui des autres est en raison de leur consécration : en sorte qu’arrêtés par ce signe, les fidèles aient moins l’idée de porter sur elles un œil de concupiscence. Mais ce n’est qu’après la consécration de l’éveque que la vierge pourra porter sur le sommet de la tête cette croix de fil blanc, en signe de la pureté virginale : nul autre voile n’aura cette marque.

Elles porteront sur la peau des chemises de toile, quelles ne quitteront pas même pour dormir. Nous ne refusons pas à la délicatesse de leur nature l’usage des matelas et des draps. Elles mangeront et coucheront chacune séparément. Nulle ne trouvera mauvais que l’on passe à une de ses sœurs qui en a un plus pressant besoin les habits qui lui auraient été donnés à elle-même, les habits ou autre chose. Elle sera particulièrement heureuse, au contraire, d’avoir un témoignage de sympathie à offrir à sa sœur en peine, et de penser qu’elle vit non pour elle, mais pour les autres ; autrement, elle n’aurait plus droit d’appartenir à la communauté, elle serait coupable du sacrilège de propriété.

Nous croyons qu’il suffit, pour couvrir le corps, d’une chemise, d’une peau d’agneau et d’une robe, en ajoutant par-dessus, pendant la rigueur du froid, un manteau qui serve de couverture au lit. Pour prévenir par le lavage l’invasion de la vermine et l’encrassement, elles auront tous ces vêtements en double, ainsi que Salomon a dit, à la louange de la femme forte et sage : « Elle ne craint pas pour sa maison le froid de l’hiver, car tous ses serviteurs ont double vêtement. » La taille de l’habit sera mesurée ; il ne devra pas descendre au-dessous du talon, pour ne pas soulever la poussière. Les manches n’excéderont pas la longueur des bras et des mains. Les jambes seront couvertes de chausses, et les pieds de chaussons et de souliers. Jamais elles ne marcheront pieds nus, même sous prétexte de dévotion. Chaque lit aura un matelas, un traversin, un oreiller, une courte-pointe et un drap. La tête sera couverte d’une bandelette blanche avec un voile par-