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LETTRES D’ABÉLARD ET D’UÉLOlSE,

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«pécheur : pourquoi racontes-tu ma justice ? pourquoi t’arroges-tu le droit de publier mon alliance, toi qui hais ma discipline et qui as rejeté mes pa- roles loin de toi ? » L’Apôtre, craignant d’encourir le même reproche, di- sait : « Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur d’être ré- prouvé moi-même, après avoir réprouvé les autres. » En effet, quand on méprise la conduite de quelqu’un, on en vient vite à mépriser ses préceptes et ses leçons ; et si Ton est atteint soi-même du mal que l’on doit guérir, le malade ne manque pas de vous dire : « Médecin, guéris-toi toi-même. »

Que celui-là donc qui doit commander dans l’Église songe à la ruine que cause sa chute, puisque du même coup il précipite dans l’abîme tous ceux qui se trouvent au-dessous de lui. « Celui, dit la Vérité, qui violera le moindre de mes commandements, et qui apprendra aux autres à le faire, sera appelé le denûer dans le royaume des cieux. » Or, on viole les com- mandements de Dieu, quand on agit contre ses préceptes, et quand, cor- rompant les autres par son exemple, on devient dans la chaire un, maître de pestilence. Si donc celui qui se conduit de la sorte doit être relégué au der- nier rang dans le royaume des cieux, quel sera le rang du supérieur à la négligence duquel le Seigneur demandera compte i :on-seulement de son âme, mais de toutes celles qu’il avait à diriger ? C’est à ce sujet que la Sa- gesse fait ces judicieuses remarques : « Le pouvoir vous a été donné par Dieu, la vertu par le Très-Haut, qui interrogera vos œuvres et sondera vos cœurs, parce qu’étant les ministres de son royaume, vous avez mal jugé et sans observer les lois de la justice. Il apparaîtra même soudain devant vous dans sa rigueur, son jugement étant très-sévère à l’égard de ceux qui sont les chefs. C’est au petit seul qu’est accordée sa miséricorde : aux grands sont réservés de grands supplices ; les forts sont menacés des peines les plus fortes. •

A chacun il suffit de veiller aux péchés de son âme ; le supérieur encourt la mort pour le péché d’autrui. Les dettes augmentent en raison des dons, et plus on a reçu, plus on nous demande. Les proverbes nous avertissent de nous tenir en garde contre ce grave péril, dans ce passage : « Mon fils, si vous avez répondu pour votre ami, vous avez engagé votre main à un étran- ger ; vous vous êtes mis, par vos propres paroles, dans le filet, vous vous êtes enchaîné par vos propres discours. Faites donc ce que je vous dis, mon fils, et délivrez-vous vous-même, parce que vous êtes tombé dans les mains de votre prochain. Courez de tous côtés, hâtez-vous et réveillez-vous ; ne permettez pas à vos yeux de dormir ni à vos paupières de reposer. » Or nous nous rendons caution pour un ami, lorsque noire chanté reçoit quel- qu’un dans une communauté. Nous lui promettons vigilance, comme il nous promet obéissance ; nous lui engageons notre main, lorsque nous nous portons forts de consacrer notre sollicitude et nos soins à son salut ; et par là, nous tombons alors dans ses mains, en ce sens que, si nous ne nous te-