Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y a là deux gentilles postières, fraîches et coquettes : Jeanne et Francine. Une dactylo blonde comme les blés et qui travaille chez un austère industriel de la région. Elle s’appelle Mimi. Elle est rayonnante dans l’épanouissement de ses vingt ans. Des ouvriers, humains comme tous les fils du peuple et qui travaillaient à l’érection d’un sanatorium dans le voisinage.

Mimi, ma blonde amie, car nous sommes devenus vite des amis, me trouble. Elle me prodigue des sourires et des bouchons coupés qu’elle me lance à la tête par plaisanterie. Nous vivons tous dans une atmosphère de cordiale familiarité qui me réconforte… Un peu d’amour qui va éclore. Le mirage qui renaît.

Mon prénom, de par la fantaisie de Mimi, s’est prêté à une transformation subite. Et, vaille que vaille, je suis devenu Fanfan, Fanfan, rien que Fanfan. Je me suis adapté avec facilité à mon nouvel état civil dont la dualité ironique me forge une autre personnalité.

— Fanfan, mange donc !

Lommik le charpentier, ancien colonial, probe et sentimental, me rappelle à des exigences que mes entrailles n’ont plus.

— Mais oui, mange donc, Fanfan ! et ris un peu…

Mimi vient à la rescousse. Mes regards et nos sourires se rencontrent. Du sang me vient aux joues et la saveur d’une belle amitié naissante dans sa poésie me fait oublier la fadeur que mon peu d’appétit accolle à chaque met.

— Mais l’autre jour, Fanfan, pourquoi étais-tu parti de table comme un fou ?

Bravement devant toute la tablée, je me suis expliqué. Contagion. Prophylaxie. Craintes et remords. Ils ont éclaté de rire. Sacré Fanfan, va ! et tous les cancéreux, tous les syphilitiques incurables, tous les contagieux qui passent et qui traînent dans les hôtels sans qu’on puisse se méfier