Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/52

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amie, comprit. À quoi bon nier ? elle était trop intelligente et trop femme et la psychologie d’un garçon de dix-huit ans n’est pas tellement compliquée et ténébreuse !… Je convenais que j’avais été idiot et je promis, à la satisfaction générale, de ne plus recommencer. Après quoi, fier du devoir accompli, j’allais faire brailler au phonographe : Mirella la jolie que je reprenais au refrain entre deux quintes de toux.

Chaque soir, Mimi bondissait dans ma chambre, chaque matin aussi en s’en allant au travail. Sa visite me mettait aux anges. Sans respect pour l’esthétique, je coupai une mèche des cheveux blonds que je glissai dans mon portefeuille entre deux cartes odorantes et je plaçai le tout sur mon cœur.

Plusieurs jeunes gens du voisinage courtisaient ma belle amie et notre amitié les surprenait. Cependant ils me faisaient bonne figure, mais je voyais à leurs manières que j’étais un obstacle à leurs tentatives d’approche. Je m’en ouvrais à Mimi, parlant sincèrement de quitter la place, lui enjoignant de prendre en considération ces partis possibles et très sérieux. Ce qui eût été le parti le plus sage ! Moi, je serais toujours le petit ami qu’on aime bien et qu’on comble de baisers retentissants ! Je n’étais que Fanfan, ça n’avait et n’aurait jamais aucune importance. Je m’efforçais à celer mon amertume et ma jalousie perçante.

— Gosse, va !

— Mimi, ma Mimi, je t’aime !

Jouvenceaux amoureux, jouez votre chance, ne renoncez pas à l’amour. Le bonheur est court et capricieux. À la source des élans sincères, buvez-le à en perdre haleine. Le bonheur est volage comme les femmes et les oiseaux.

Ce dimanche matin, Mimi n’est pas encore levée. Furtif, je me suis glissé dans sa chambre toute pleine de son parfum. J’ai farfouillé dans les tiroirs raflant photos et lettres,