Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/53

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sans qu’elle proteste. Je me maîtrise. Appellera-t-elle mon baiser ? J’attends fébrile, sans pouvoir dissimuler mon énervement. Elle sourit.

— Ne te moque pas de moi, va, Mimi. Je t’aime tellement. Et je suis si malheureux. Dompté, affalé sur son lit contre son corps que je sens vibrer sous les couvertures qui glissent, je la dévore de caresses. Puis triste soudain, pressé contre elle, je lui ai dit toutes mes misères, toutes mes rancœurs. Tendrement, elle cajole. Sur son corps pur, ma main se promène, chaste… Et c’est à son tour de parler. Elle le fait avec compréhension, avec douceur, avec conviction.

— Tu verras Fanfan, un jour, tu seras heureux, crois-moi. Chacun à son tour !

Dites-moi, est-ce vrai que chacun ici-bas a droit à sa place au soleil, au bonheur ? Que tout homme peut prétendre au partage d’amours et de liesse ? Mimi, ma petite et tendre amie des mauvais jours, entends s’élever vers toi ma bénédiction ! Bénies soyez-vous, femmes qui mettez au nom de la pitié ou de l’amour, qu’importe ! le baume divin de l’espérance au cœur des miséreux et malheur à quiconque ne croit ni à l’une ni à l’autre !

Mais le temps passe, malgré ma volonté de retarder l’envol des heures. Au restaurant Bellec, j’ai coulé des jours délicieux, dans la saine et sainte atmosphère familiale, entre Mimi et mes rêves, malgré ma maladie qui s’enracine en moi plus profondément en dépit ou peut-être à cause des piqûres et du pneumothorax. Bien que j’aie prolongé mon séjour d’un mois, voilà l’échéance qui s’apprête. Demain je retourne dans la montagne.

Kénavo, Mimi ! Kénavo, mot tendre et redoutable, si doux et si nostalgique. Kénavo !

Me revoilà, ô vieil Arré paternel, ressassant une neurasthénie qui tourne à la morbidité et au marasme.