Page:Abgrall - Luc hed ha Moged.djvu/117

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C’était un « Katellig », un brouillon, un balourd,
Un grand âne bâté, sans cœur et d’esprit gourd !
— Ma Doué ! se dit-il, riant de guerre lasse,
Qu’ai-je dans le cerveau ? n’ai-je hanté la classe ?
Argumenté, traduit, disserté sans repos
De Virgile et Caton, d’Homère et des héros ?
N’ai-je donc pas porté le sac et la giberne ?
Allons ! je me comprends ! vieux Tonton on te berne !
Du temps où tu n’étais qu’un aide pour cuistots
Tu avais plus de cran, d’allant et d’à propos…
Vicaire ! désormais, nous ferons la cuisine
Chacun à notre tour, et sans humeur chagrine !
Oui ! dès demain matin, je prendrai ma fonction,
Sans avoir cette fois besoin d’ordination…
Pour fêter mes débuts, vous goûterez, je gage,
Au fin coup de midi, d’un savoureux potage
De ma confection ! Ma foi ! le lendemain
Tonton Cou se rengorge une louche à la main.
« Nettoyons ce chaudron et découpons ce lard.
Hum ! onze heures déjà ! C’est vraiment un peu tard…
Cette eau qui ne bout pas et maint et maint légume
Qu’il faut bien éplucher avant, je le présume.
Je croirais volontiers qu’en enfer le prévôt
Oblige le damné de se faire cuistot.
Holà ! je n’en puis plus ! Tonton Cou, mon bonhomme,
Dans ce fauteuil douillet, faisons un petit somme ! »
Et l’eau, dans le chaudron, berce d’un bruit très doux
Tonton Cou qui s’endort, son lard sur les genoux.
Le bon recteur, les mains en croix sur sa bedaine,
Dans le fauteuil moelleux, oublieux de sa peine,
Évoque un paradis, un séjour langoureux
Qui le muerait lui-même en divin maître-queux.
Devant lui, l’Éternel et sa séquelle d’anges
Exaltant ses talents, l’accablant de louanges,