Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/329

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res ! deux et deux font cinq, quoi qu’en dise une bourgeoisie féroce et stupide ! » ou : « Frères, deux et deux font cinq ; c’est pourquoi il faut brûler la Banque de France, renverser le Gouvernement et pendre tous les ministres ! » vous excéderez les limites d’une sage discussion économique, et vous tomberez sous le coup de la loi.

Il est plus délicat que vous ne pensez de discuter un point d’économie sans tomber dans la controverse politique. C’est un art, et tout art s’apprend ; vous n’avez pas appris celui-là. Il faut de l’art aussi pour dire juste ce qu’on veut, sans exagération ni violence. Nous qui faisons métier d’écrire, nous sortons à chaque pas des limites du sujet, nous franchissons même assez souvent les barrières de la discussion permise. Que serait-ce si nous écrivions pour la première fois ? L’écrivain neuf (et presque tous les ouvriers sont dans ce cas) joint à l’inexpérience un tel encombrement d’idées qu’il ne sait par où commencer : tout veut sortir, tout se présente à la fois, tout s’entasse. Voilà pourquoi un ouvrier pris au hasard ne peut guère se lancer dans les discussions économiques sans commettre des imprudences qui se payent.

Mais il est fort aisé, lorsqu’on a une idée à répandre, de passer la parole au plus fort. Il y a nombre de lettrés parmi les typographes ; j’ai lu souvent de leur prose avec un vif intérêt et un vrai plaisir.