Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/334

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une candeur effrayante. On ne leur a pas enseigné les lois élémentaires de l’industrie, et ils épousent, comme de grands enfants, la première théorie qui les séduit.

Pour un peuple guerrier comme nous, rien n’est plus séduisant que la guerre. C’est pourquoi vous voyez toutes les industries user l’une après l’autre des armes qui leur sont données par la loi des coalitions. De toutes les associations, la coalition est la pire. C’est une arme qui blesse un peu les adversaires, beaucoup les spectateurs, et terriblement les maladroits qui la manient. Le duel de l’ouvrier contre son patron a cela d’original, que le patron ne peut tomber sans entraîner l’ouvrier dans sa chute. Une autre singularité de cette guerre, c’est que les neuf dixièmes des combattants y courent sans savoir pourquoi. Ils vont au feu, avec femmes et enfants, sous la conduite de chefs ou de meneurs anonymes.

Le caractère français s’accommode assez bien de ces entraînements illogiques. Je me rappelle le temps où nous étions au lycée. Quelquefois, pendant l’étude du soir, on voyait circuler un billet ainsi conçu : « À sept heures et demie, on éteindra les quinquets et on jettera les encriers au pion. » Chacun de nous, dans son particulier, était un petit garçon assez raisonnable, qui aurait bien voulu ne pas éteindre le quinquet et ne pas jeter d’en-