Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/32

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crois pas qu’en aucun pays les émules d’Hadgi-Stavros aient jamais rien fait de plus artistique que l’arrestation du Niebuhr. C’est un vapeur du Lloyd autrichien que le pallicare a dévalisé à terre, sur les onze heures du matin. Le Niebuhr venait de Constantinople : il déposa sa cargaison et ses passagers à Calamaki, à l’orient de l’isthme de Corinthe. Quatre fourgons et deux omnibus prirent les passagers et les marchandises pour les transporter de l’autre côté de l’isthme, au petit port de Loutraki, où un autre bateau les attendait. Il attendit longtemps. Hadgi-Stavros, en plein jour, sur une belle route, en pays plat et déboisé, enleva les marchandises, les bagages, l’argent des voyageurs et les munitions des gendarmes qui escortaient le convoi. « Ce fut une journée de deux cent cinquante mille francs ! » nous dit Christodule avec une nuance d’envie.

On a beaucoup parlé des cruautés d’Hadgi-Stavros. Son ami Christodule nous prouva qu’il ne faisait pas le mal par plaisir. C’est un homme sobre et qui ne s’enivre de rien, pas même de sang. S’il lui arrive de chauffer un peu trop fort les pieds d’un riche paysan, c’est pour savoir où le ladre a caché ses écus. En général il traite avec douceur les prisonniers dont il espère une rançon. Dans l’été de 1854, il descendit un soir avec sa bande chez un gros marchand de l’île d’Eubée, M. Voïdi. Il trouva la famille assemblée, plus un vieux juge au tribunal de Chalcis, qui faisait sa partie de cartes avec le maître de la maison. Hadgi-Stavros offrit au magistrat de lui jouer sa liberté : il perdit et s’exécuta de bonne grâce. Il emmena M. Voïdi, sa fille et son fils : il laissa la femme, pour qu’elle pût s’occuper de la rançon.