Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/39

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sait à quelque chose, ce n’était assurément pas à l’amour. Peut-être la jeune fille n’y songeait-elle pas non plus, car les femmes grecques ont presque toutes au fond du cœur un bon pavé d’indifférence. Cependant elle regardait mon ami John comme une alouette regarde un miroir. Elle ne le connaissait pas ; elle ne savait rien de lui, ni son nom, ni son pays, ni sa fortune. Elle ne l’avait point entendu parler, et quand même elle l’aurait entendu, elle n’était certainement pas apte à juger s’il avait de l’esprit. Elle le voyait très beau, et c’était assez. Les Grecs d’autrefois adoraient la beauté ; c’est le seul de leurs dieux qui n’ait jamais eu d’athées. Les Grecs d’aujourd’hui, malgré la décadence, savent encore distinguer un Apollon d’un magot. On trouve dans le recueil de M. Fauriel une petite chanson qui peut se traduire ainsi :

« Jeunes garçons, voulez-vous savoir ; jeunes filles, voulez-vous apprendre comment l’amour entre chez nous ? Il entre par les yeux, des yeux il descend dans le cœur, et dans le cœur il prend racine.

Décidément Photini savait la chanson ; car elle ouvrait de grands yeux pour que l’amour pût y entrer sans se baisser.

La pluie ne se lassait pas de tomber, ni Dimitri de lorgner la jeune fille, ni la jeune fille de regarder Harris, ni Giacomo de croquer des bonbons, ni M. Mérinay de raconter au petit Lobster un chapitre d’histoire ancienne, qu’il n’écoutait pas. À huit heures, Maroula mit le couvert pour le souper. Photini fut placée entre Dimitri et moi, qui ne tirais pas à conséquence. Elle causa peu et ne mangea rien. Au dessert, quand la servante