Page:About - Nos artistes au Salon de 1857.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur cent fois plus d’importance quelle n’en peut avoir. La couleur est la joie des yeux, le charme des prunelles ; mais le dessin est tout. Le dessin est le corps même de toutes les œuvres d’art, en peinture, en statuaire et en architecture ; la couleur est un agrément particulier à la peinture, un charme qui relève le mérite du beau dessin. Le dessin, sans couleur, existe par lui-même ; j’en prends à témoin la gravure, la lithographie et la photographie. Essayez de vous représenter la couleur veuve du dessin !

Le dessin d’un objet, c’est sa forme qui ne change pas. La couleur varie à tout instant, au gré des nuages qui traversent le ciel, au caprice de tout ce qui passe en jetant un reflet. Elle est, suivant l’expression de Platon, dans un perpétuel devenir.

Chez l’artiste, le dessin est la science, et, pour ainsi dire, la possession de la nature. C’est le fruit du travail, du temps et de l’expérience : il n’y a point de dessinateurs à vingt ans, mais j’ai connu des coloristes au collège. C’est une affaire d’instinct. Les coloristes trouvent la couleur comme les nègres du Brésil trouvent les diamants de cent carats, ou comme certains animaux, sans aucune étude préalable et en vertu d’un tempérament heureux, déterrent les truffes.

Si vous m’accordez que, dans la nature visible, la couleur est un accessoire de la forme, et que, dans l’Art, le dessin existe par lui-même, indépendam-