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dessin aussi loin qu’il peut aller ; Rubens s’arrête quelquefois en route ; il n’en est pas moins grand dessinateur, parce qu’il saisit le mouvement et les masses. Un portrait exécuté à dix pas du modèle, péchera sans doute par l’omission de certains détails ; ce n’est pas à dire qu’il sera un mauvais portrait. M. Delacroix ne prend pas toujours le temps d’arrêter les contours de ses figures. Au milieu de ses tableaux les plus faits, il laisse des parties d’ébauche qui font hurler tous les ignorants ; M. Delacroix n’en est pas moins, comme Rubens, un grand dessinateur.

Le public appelle bien dessiné tout ce qui lui semble fini. Mais, bonnes gens, ce n’est pas la fin qui fait les dessins remarquables ; c’est le commencement. J’ai rencontré sur le quai Voltaire une gravure anglaise représentant une revue d’infanterie. Il y a là dix ou douze mille hommes : on pourrait les compter. L’artiste, qui se piquait de dessiner correctement, n’a omis ni un pompon, ni une aiguillette, ni un bouton de guêtre. Les soldats du troisième plan sont équipés aussi scrupuleusement que ceux du premier, et le capitaine d’habillement y retrouverait son compte. Voilà ce qui s’appelle un dessin fini. Par malheur, il n’est pas commencé. Chaque soldat dans le rang est indépendant de ses voisins, et les douze mille individus qui s’alignent à la file ne font pas une masse