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mangé le pain et bu le vin, la faim et la soif reviendraient bientôt ; tandis qu’avec mon billet dans ma poche je suis riche jusqu’à samedi. »

Le capucin lui tourna le dos sans répondre. « Monsieur, me dit-il, en reprenant son chemin et son discours, on ne leur ôtera pas de l’esprit que nous sommes dans le secret de la loterie. Si je voulais fabriquer des ternes à tous ceux qui m’en demandent, il ne m’en resterait pas un pour moi. »

J’entrepris de le questionner sur les revenus de son ordre et sur les recettes qu’un capucin peut faire en un jour. Il me répondit à peu près comme le savetier de la Fontaine : « Tantôt plus, tantôt moins. Autrefois, me dit-il, j’étais dans un couvent de Tivoli. Je mendiais chez les paysans, et je percevais les aumônes en nature. Dans ce genre de promenade, il faut aller loin et suer beaucoup pour gagner peu. Je faisais quatre quêtes par an, dans l’ordre des récoltes. Au premier voyage, on me donnait du blé et des cocons ; au deuxième, du maïs et des fèves ; au troisième, du vin, et de l’huile au dernier. Dans chaque village, le bienfaiteur de notre ordre m’offrait l’hospitalité et gardait ma petite collecte, que l’économe du couvent faisait prendre. À Rome, les libéralités qu’on nous fait sont presque toujours en argent. Quand je pose dans un atelier, on est assez bon pour me donner le prix d’une séance de modèle. Quand j’arrache une dent, les personnes généreuses me font présent d’une pièce de dix sous ; quand je suis un enterrement de grand seigneur, je rapporte cinq sous et un cierge ; quand un artiste a envie de mon beau chapelet de buis, il est bien rare que je ne rentre pas au couvent avec un écu. Enfin, lorsque je mets mon