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son sein le principium individuationis — du temps, de l’espace et de la causalité, lui donne l’illusion d’une nature distincte, close en elle-même et s’opposant à d’autres sujets. Sans ce voile intuitif, que nous ressentons comme notre cénesthésie, comme base de nature individuelle sur laquelle notre pensée opère continuellement, produisant les représentations et les concepts, — sans ce voile, tissé spécialement pour la vie par l’inconscient, — avec la seule action de l’aperception (si c’était possible), les individus s’évanouiraient, le « moi » et la société ne seraient plus en opposition.

Donc, tous les états prépensifs, les courants cénesthésiques, les sensations propres, chaotiques, qui ne sont pas encore organisées en notions et saisies dans les symboles de la langue, les moments anonymes de l’âme sur lesquels agit l’aperception, les transformant en représentations, développant de ces moments des jugements analytiques, en un mot, tout le côté de l’intuition vierge, intacte encore par la pensée, est la partie individuelle de l’âme, l’individu propre. Par contre, tous les produits de la pensée, les conceptions et les jugements, le côté aperceptif de l’âme, exprimé dans la langue et raisonnant, est social. La manière de ressentir est différente pour chacun et ne supporte aucune règle ; c’est la propriété intime et inviolable de l’individu. La logique, par contre, le domaine du sujet pensant, est commune et la même pour tout le monde, et pour cette raison obligatoire. Si donc nous cherchons la conscience sociale dans les parties communes des consciences individuelles, comme le fait Lazarus, dans ce qu’il y a d’universel pour les esprits particuliers, de constant pour les esprits passagers, alors nous verrons, que ce commun, universel et constant, c’est seulement notre aperception déterminant la phénoménalité qui nous est intuitivement donnée. Dans chaque concept, comme dans chaque action et chaque produit du travail, il se trouve une partie individuelle, inaccessible pour les autres, purement intuitive, ce que nous ressentons dans un concept donné, et la partie sociale, pour tous la même, le côté formel, de nature aperceptive, ce que nous définissons et exprimons. La manière dont je ressens une certaine impression n’est accessible à personne ; tandis que sa définition conceptuelle est commune pour tout le monde. Ce qui est exclusivement individuel, c’est mon rapport sensitif à un certain produit du travail, le degré de mon désir, le goût, le genre d’utilité ; tandis que le but du produit, et le travail qui l’a pour symbole, est social. De cette manière se résout le rapport de l’individu à la société, se ramenant au côté intuitif (prépensif) et