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ques, dans les lois, dans les idées collectives, s’avance toujours dans son développement, comme l’être immortel de l’humanité, de sorte que l’évolution de la culture sociale ne se renouvelle pas avec chaque génération, n’interrompt pas sa trame séculaire, mais reste unique et continue. L’intelligence objectivée des génies morts, des générations passées, vit et continue de se développer, quoiqu’elle ne puisse puiser la vie dans les choses mêmes où elle s’est cristallisée par l’action de leur volonté créatrice, et ne se retrouve que dans la conscience des hommes nouveaux. « Une déduction commence dans la tête d’un individu pour s’achever dans celle d’un autre. Nous posons les prémisses dont nos fils tirent des conclusions » (Bouglé). La pensée, le raisonnement, dépassent l’individu ; les besoins et les idées développées dans une génération, deviennent l’action, la révolution, dans la suivante. L’histoire ne connaît pas de sauts, comme la nature ne connaît pas de vide ni de création ex nihilo ; ici, ce qui l’empêche c’est l’unité de la matière et de l’énergie, qui se manifeste seulement dans une infinie variabilité des formes ; là, c’est l’unité de l’être pensant, dissimulée sous une multitude différenciée de cerveaux.

L’omission de cette vérité, que c’est l’aperception seule qui socialise les phénomènes, et que cette nature sociale de l’aperception est en même temps la révélation de l’identité des sujets pensants humains, a égaré les sociologues de toutes les écoles et nuances, sur les fausses voies d’une métaphysique sociale, les a contraints à créer la conception mystique d’une « conscience sociale » étant la synthèse des nôtres et différente d’elles par sa nature, à faire entrer dans la scène de l’histoire des « esprits » des nations et des classes, comme base essentielle servant à l’explication de la vie sociale, et de là, les a amenés aux théories ayant des conséquences pratiques, comme par exemple celle des Lazarus, que l’esprit de la nation est différencié en esprits des classes, qui forment en même temps une synthèse harmonique, et qui, entrant dans un antagonisme trop grand entre eux, provoquent la décadence de l’ensemble. De cette manière, la philosophie sociale s’engage dans un cercle vicieux, car, en admettant comme base et comme source des phénomènes sociaux, les consciences « synthétiques » des collectivités, les esprits des classes et des nations, elle se pose en même temps des questions insolubles, à savoir : comment ces collectivités pourraient se produire sans les phénomènes sociaux, et de quelle manière les âmes des individus, étant le produit social, se synthétisent néan-