Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/122

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goûter le repos, au lieu de livrer son esprit aux rêves du sommeil, il l’abandonnait aux rêves de l’amour. Il y avait une heure ou deux déjà qu’il suivait dans leur vol confus les songes, enfants de la solitude, lorsqu’il vit le rideau noir des arbres s’illuminer sous les rougeâtres reflets d’une clarté subite. Les éclairs succédaient aux éclairs, et leur rapide éclat empourprait le ciel où pâlissaient les étoiles. Belle-Rose, étonné, franchit l’appui de la fenêtre et se tourna vers l’étage où dormait Mme de Châteaufort. Mille flammes s’échappaient par les balcons où tourbillonnaient des flots d’étincelles. Au même instant partirent de tous côtés des cris d’épouvante, et les femmes de la duchesse, surprises par l’incendie au milieu de leur sommeil, s’élancèrent de chambre en chambre, à demi nues ; pleines de terreur, elles couraient au hasard, fuyant les flammes qui serpentaient le long des façades, dévoraient les tentures, s’épanouissaient en panaches flamboyants au bout des cheminées embrasées, et roulaient comme des vagues sous l’effort du vent. Les gardes et les laquais, réveillés par les bruits menaçants de l’incendie, s’armèrent d’échelles et de seaux ; tous les gens du château furent sur pied à l’instant et coururent vers le corps de logis où pétillait le feu. Le premier, Belle-Rose reconnut l’imminence et la grandeur du péril : l’incendie, communiqué sans doute à quelque rideau par une bougie oubliée, devait faire de rapides progrès dans un appartement où la soie, les tapis, les tentures, les meubles entassés prêtaient mille aliments à son impétuosité. Un cri d’horreur s’échappa de ses lèvres, il bondit, et, gagnant l’escalier, il parvint en une seconde à l’étage où reposait Mme de Châteaufort. L’effroi triplait ses forces : la première porte qu’il rencontra vola en éclats du premier choc, et il se jeta dans l’appartement où serpentaient les flammes. Les chambrières passaient à ses côtés comme des fantômes. Belle-Rose avançait toujours, une dernière porte tomba sous l’effort de ses mains puissantes, un tourbillon de fumée et