Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/147

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M. de Nancrais s’arrêta court.

– Que dis-tu ? s’écria-t-il.

– M. d’Assonville est mort, répondit le soldat.

– Mort ! répéta le capitaine. – Et il s’appuya contre la cheminée. Ses jambes tremblaient sous lui.

Belle-Rose lui raconta les détails de l’événement tragique dont il avait été le témoin, en supprimant toutefois les particularités qui le concernaient personnellement, ainsi que Mme de Châteaufort. M. de Nancrais l’écoutait, la tête inclinée en avant, les yeux attachés aux siens. Chaque parole de ce funèbre récit lui arrivait au cœur ; mais il luttait de toutes ses forces contre l’émotion qui le gagnait.

– Oui, dit-il après que Belle-Rose se fut tu, cela devait être ainsi. Mon frère était bon, brave, loyal et franc, l’autre est un misérable perdu de dettes et de débauche ; ils se sont rencontrés… mon frère est mort : ainsi va le monde ! Le lâche triomphe où le vaillant succombe… Pauvre Gaston ! où ne serait-il pas arrivé ?… Mais il aimait !… Une femme s’est trouvée entre lui et le bâton de maréchal, et cette femme l’a fait trébucher… Que Dieu la maudisse, l’infâme créature ! – M. de Nancrais, plus pâle qu’un cadavre, leva vers le ciel ses deux mains ouvertes avec une effrayante expression de haine et de fureur. Belle-Rose frissonna de la tête aux pieds.

– Celle-ci vivra dans la richesse et la joie, continua le capitaine, marchant à grands pas dans la chambre, lui est mort ! Est-ce qu’on doit aimer quand on est soldat ! Et ne sait-on pas bien que les femmes sont après nous comme des buissons d’épines qui nous déchirent ! Tout le sang fuit des veines, goutte à goutte ! Mais il l’a donc attaqué par derrière, ce Villebrais ! Gaston avait la main ferme et le cœur fort ; il en aurait tué dix comme ce bandit !… Oh ! s’il était vivant encore, vrai Dieu ! de cette main que tu vois, j’arracherais du cœur de mon frère jusqu’au souvenir de cet amour… dût-il en mourir !