Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/162

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on en voyait partout, le long des maisons, devant les portes, aux fenêtres, sur le pas des boutiques. Tous les regards cherchaient le condamné, mille exclamations sortaient du milieu de la foule, la pitié se lisait sur tous les visages. La démarche de Belle-Rose était assurée et sa figure calme et fière ; un mélancolique sourire effleurait sa bouche. En le voyant si jeune et si beau, le peuple s’émouvait : les femmes surtout, dont le cœur est plus tendre, exprimaient tout haut les sentiments de commisération qui baignaient leurs paupières de larmes inaperçues.

– Qu’il est jeune et qu’il est beau ! disaient-elles. Aura-t-on bien le courage de le tuer ?

Et celles qui le plaignaient ainsi se haussaient sur la pointe des pieds pour le voir plus longtemps. Belle-Rose entendait toutes ces paroles, saisissait tous ces regards, ils arrivaient à son cœur, l’attristaient et le consolaient à la fois. Plusieurs dames étaient penchées sur un balcon, au coin d’une rue ; l’une d’elles, qui tenait une rose à la main, la laissa choir en faisant un geste de pitié. Belle-Rose ramassa la fleur, et, la portant à ses lèvres, salua la dame. Quelques-unes des personnes qui étaient sur le balcon, tout émues et sans penser à ce qu’elles faisaient, s’inclinèrent à leur tour. Quant à la dame à qui la fleur avait appartenu, elle se couvrit tout à coup le visage de son mouchoir, et se mit à pleurer. Le cortège marchait toujours ; mais Belle-Rose tourna la tête jusqu’à ce qu’il eût dépassé l’angle de la rue pour voir encore la femme, qui était jeune et jolie.

– Pensez aux choses du ciel, mon fils ! lui dit le prêtre, qui avait suivi ce regard.

– Oui, mon père, mais j’ai vingt ans ! répondit Belle-Rose avec un doux sourire.

La voix du soldat semblait dire : Le ciel est si loin et la terre est si belle !

Le bon prêtre soupira.

– C’est le démon qui vous tente ! reprit-il.