Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/207

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faisait une auréole qui éblouissait. On le savait maître de la paix et de la guerre ; la Hollande, comme une victime vouée à sa colère, frémissait à chacun de ses pas ; l’Espagne était toute saignante des blessures qu’il lui avait faites ; l’empire d’Allemagne s’épouvantait de son ambition. Il était au milieu de l’Europe comme une torche ou comme un phare, splendide dans le repos, terrible dans l’agitation. Maître de lui autant que des autres, Louis XIV avait d’ailleurs ce grand air royal qui frappait tout à la fois de crainte et de respect. On sentait, rien qu’à le voir, que celui-là était le souverain. Au moment où Belle-Rose découvrit au-dessus de toutes les têtes les plumes blanches qui chargeaient le chapeau du roi, il ne put se défendre, malgré la consigne, de s’élancer en avant. Derrière Louis XIV se pressait la fleur de la noblesse de France ; on voyait aux premiers rangs les plus fameux capitaines de l’époque, les gentilshommes les plus illustres par leur naissance ou leur mérite. Le roi marchait lentement ; il avait cet aspect imposant, fier, un peu hautain, que lui ont conservé les portraits de Mignard et de Van der Meulen ; il saluait les drapeaux des régiments qui s’inclinaient sur son front et répondait par un signe de la main aux clameurs d’enthousiasme que sa présence soulevait. En le voyant si jeune encore, si beau, si puissant déjà, en se trouvant, lui, parti de si bas, près de ce monarque qui était si haut, ébloui par ce cortège étincelant où tous les vieillards étaient célèbres et tous les jeunes gens en passe de le devenir, Belle-Rose brandit son épée et cria d’une voix tonnante : Vive le roi ! À ce cri, parti du cœur, à la vue de ce visage rayonnant et loyal, Louis XIV sourit et salua le soldat enthousiaste. Quand Belle-Rose releva sa tête inclinée sous la majesté royale, Louis XIV était passé. Trois heures après, le roi, accompagné des principaux officiers de l’armée, se dirigea vers une chapelle qui se trouvait à Marchienne-au-Pont, où était situé son quartier. Tous les gouverneurs des places voisines