Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/219

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fille innocente, de son hôtesse et de sa protectrice, fit sa maîtresse ?

– N’accusez pas ceux qui sont morts, dit Belle-Rose.

– Je n’accuse pas, je raconte. Bientôt cependant, reprit Geneviève, M. d’Assonville dut s’éloigner. La guerre et les partis contraires dans lesquels mon père et lui servaient éloignaient toute pensée de mariage. Parfois il s’échappait et venait me voir au pavillon. Que de jours de deuil devaient amener ces heures d’ivresse ! Sur ces entrefaites ma mère mourut, et le désespoir que m’inspira cette mort rapide comme la foudre me révéla que moi aussi j’étais mère. Des tressaillements inconnus répondirent à mes sanglots, et ce fut en embrassant le cadavre de ma sainte mère que je sentis les frémissements de l’être qui s’agitait dans mon sein !

Tandis que Geneviève parlait, deux grosses larmes roulaient sur ses joues.

– Pauvre femme ! murmura Belle-Rose, qui sentait son cœur pris dans un étau.

– Oh oui ! pauvre femme ! reprit Geneviève, car ce que j’étais alors, je ne le suis plus aujourd’hui, et ce que je suis devenue, je ne l’aurais pas été sans cette honte et ce deuil de ma jeunesse ! Le lendemain, continua-t-elle, j’écrivis à M. d’Assonville ; ma lettre demeura sans réponse ; j’écrivis encore, j’écrivis vingt fois ; le silence et l’abandon m’entouraient : je crus à son oubli, et si je n’avais pas eu la vie de mon enfant à sauver, je me serais tuée. J’étais alors sous la garde d’une tante âgée, la sœur de mon père, rude et sévère comme lui. Ma nourrice seule me voyait pleurer et me consolait. Il y avait alors au château un jeune Espagnol, mon parent du côté de ma mère, qui avait obtenu un sauf-conduit pour visiter la France. Ma tristesse l’étonnait et l’affligeait. Je compris bientôt qu’il m’aimait ; les malheureux ont besoin d’affection, et je lui vouai une reconnaissance profonde pour tous les soins dont il m’entourait. Peut-être lui étais-je même plus attachée