Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/22

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faille prendre cet air malheureux ? Voilà que tu me fais pleurer, à présent.

La pauvre Claudine essuya le coin de ses yeux avec son tablier, puis, souriant avec la mobilité de l’enfance, elle se haussa sur la pointe du pied, et, approchant sa bouche de l’oreille de Jacques, elle reprit :

– Bah ! à ta place, moi je me réjouirais. Suzanne n’est pas ta sœur ! je suis sûre qu’elle t’aime autant que tu l’aimes : tu l’épouseras.

Jacques embrassa Claudine sur les deux joues.

– Tu es une bonne sœur, lui dit-il ; va, maintenant, je sais ce que l’honnêteté me commande.

Et Jacques, se dégageant de l’étreinte de sa sœur, sortit du jardin. Il se rendait tout droit au château, lorsqu’au détour d’une haie il rencontra M. de Malzonvilliers.

– Je vous cherchais, monsieur, lui dit-il en le saluant.

– Moi ? Et qu’as-tu à me dire, mon garçon ?

– J’ai à vous parler d’une affaire très importante.

– En vérité ? Eh bien, parle, je t’écoute.

– Monsieur, j’ai aujourd’hui dix-huit ans et quelques mois, reprit Jacques de l’air grave d’un ambassadeur ; je suis un honnête garçon qui ai de bons bras et un peu d’instruction ; j’aurai un jour deux ou trois mille livres d’un oncle qui est curé en Picardie ; car pour le bien qui peut me revenir du côté de mon père, je suis décidé à le laisser à ma sœur Claudine. En cet état, je viens vous demander si vous voulez bien me donner votre fille en mariage.

– En mariage, à toi ! Qu’est-ce que tu me dis donc ? s’écria M. de Malzonvilliers tout étourdi.

– Je dis, monsieur, que j’aime Mlle Suzanne ; le respect que je vous dois et mon devoir ne me permettent pas de l’en informer avant de vous avoir parlé de mes sentiments. C’est pourquoi je viens vous prier de m’agréer pour votre gendre.

Pendant ce discours, Jacques, le chapeau à la main,