Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/282

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– Eh ! fit le médecin, c’est un sujet vigoureux. On pourrait bien encore lui faire avaler une ou deux pintes ; mais à la troisième il courrait le risque de mourir.

Les valets apprêtèrent l’entonnoir et les seaux.

– Est-il en état de m’entendre, reprit le gouverneur.

– Lui ? fit le médecin. Eh ! monsieur, les trompettes de Jéricho sonneraient qu’il n’aurait garde de remuer ! Cependant nous avons un moyen de rendre aux patients l’usage de leurs sens.

– Lequel ?

– Les fers rouges.

– Ils sont là tout prêts, dit l’un des tortionnaires en montrant du doigt le réchaud.

Le gouverneur l’arrêta d’un geste ; l’horreur et la pitié se peignaient sur son visage.

– C’est assez comme cela. J’instruirai M. de Louvois du résultat de cette séance ; et nous verrons après, dit-il.

Sur son ordre, on transporta Belle-Rose dans sa chambre ; le médecin le suivit. Quand le triste cortège eut passé la porte, le gouverneur secoua la tête.

– Je le lui avais prédit, murmura-t-il. C’est un de ces hommes qui meurent et ne parlent pas.


Instruit par le gouverneur de ce qui s’était passé durant la nuit à la Bastille, M. de Louvois haussa les épaules.

– C’est dommage, dit-il, que Belle-Rose appartienne à M. de Luxembourg. Sans cette fâcheuse circonstance, on aurait pu en faire quelque chose…

– Quoi ! monseigneur, vous savez.

– Je sais tout : tandis que vous le soumettiez à la