Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/296

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sonnaient à l’horloge du couvent voisin. La nuit était calme et silencieuse ; on ne voyait pas une étoile au ciel, où la lune nageait dans l’éther pur. Les trois fugitifs, penchés sur l’encolure de leurs chevaux, tournèrent autour de Paris et gagnèrent la route de Calais. Belle-Rose avait chevauché tout enfant sur toutes les bêtes bonnes ou mauvaises qui sortaient des écuries de Malzonvilliers ; s’il n’avait pas été canonnier, il aurait été mousquetaire ; la Déroute avait été piqueur ; Cornélius était presque Anglais. Ils filaient comme des boulets, cloués à la selle de leurs chevaux. La Déroute faisait claquer ses pouces contre la paume de ses mains en imitant le bruit des castagnettes. C’était une habitude qu’il avait prise en voyant danser des Espagnols en Flandre, et qui témoignait de sa joie. L’honnête garçon, qui ne souriait guère, avait le visage épanoui comme une tulipe ; mais toute sa gaieté tomba en apprenant qu’on se rendait en Angleterre.

– En Angleterre ! fit-il en fronçant ses sourcils, qui avaient le plus souvent grand’peine à se mouvoir. Pourquoi diable allons-nous en Angleterre ?

– Mais, dit Cornélius, j’ai des amis par là.

– Vos amis sont-ils Anglais ?

– Et que diable veux-tu qu’ils soient ?

– Eh mais, je voudrais qu’ils fussent autre chose !

– Holà ! camarade ! s’écria Belle-Rose, tu oublies la qualité de Cornélius.

– Point ! M. Hoghart est d’Irlande, et l’Irlande est un pays français, que le bon Dieu, par mégarde, a fait tomber dans la mer. C’est un point de géographie que je soutiendrai envers et contre tous. Allons en Espagne.

– C’est trop loin.

– Allons en Lorraine.

– C’est trop près.

– Alors, allons en Flandre.

– C’est un sûr moyen de retomber aux griffes de M. de Louvois.