Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/318

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– Oh ! c’est fort simple ! je marie Mme d’Albergotti.

M. de Charny regarda M. de Louvois comme s’il eût compris qu’il y avait un mystère là-dessous.

– Monsieur de Charny, reprit le ministre qui devina la signification de ce regard, je la donne à M. de Pomereux.

– À M. de Pomereux ! s’écria le confident, mais vous avez approché l’étoupe de la flamme !

– Lui ! il aime trop pour aimer rien.

– J’entends, reprit M. de Charny en hochant la tête, il désire toutes les femmes et n’en préfère aucune ; cependant je crois toujours qu’une prison eût mieux valu qu’un mariage.

– Souhaitez que la peur la fasse céder, et je tiens ma vengeance, dit le ministre avec un sourire étrange ; il ne m’a fallu qu’un entretien d’un quart d’heure pour juger Mme d’Albergotti. C’est une femme qui s’avise d’avoir du cœur dans ce temps-ci !

– C’est une grande imprudence, fit M. de Charny.

– Elle aime, et je l’enchaîne toute vivante à un débauché. Elle en mourra. Le cloître n’est qu’un cloître ; le mariage est un tombeau.

– Vous êtes mon maître en toutes choses, monseigneur, dit le favori en s’inclinant.

Alors que M. de Pomereux était avec M. de Louvois, Suzanne, livré à la solitude, avait bientôt senti dans son cœur germer de sourdes inquiétudes. Un instant soutenue par l’indignation, elle avait opposé un front calme aux emportements du ministre ; mais quand la réflexion lui fit voir à quels nouveaux périls son jeune et chaste amour était exposé, elle leva vers le ciel des yeux humides où rayonnait une larme. Peut-être regretta-t-elle de n’avoir pas suivi Belle-Rose, craignant surtout que la nouvelle de son emprisonnement ne déterminât l’audacieux capitaine à repasser en France ; cependant, comme elle avait fait son devoir en toute chose, elle mit sa confiance en celui qui soutient les