Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/328

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la supérieure salua respectueusement l’envoyé du ministre.

– Veuillez assurer M. de Louvois, dit-elle, que ses instructions seront observées ; je sais trop ce que lui doit la maison dont j’ai la direction pour y manquer.

– Madame, répondit M. de Charny, cette lettre a pu vous dire que M. de Louvois m’avait en quelque sorte remis la tutelle de la personne qu’il vous envoie. Son intention est qu’elle entre en religion dans deux ou trois mois, à moins qu’elle ne se soumette prochainement à sa volonté.

– Elle y entrera, monsieur.

– C’est un esprit entêté, malheureusement enclin aux choses du monde, peu maniable et qui nourrit un amour coupable dont il convient de la guérir. Vous ne sauriez pas être autrement que bonne avec elle : c’est dans votre caractère pieux et doux, madame ; mais tempérez cette extrême bonté par un peu de fermeté. Croyez-moi, elle en trouvera plus vite le chemin du salut.

– Je m’en souviendrai, monsieur.

– Mme d’Albergotti a fort mal reconnu les complaisances de M. de Louvois, elle l’a trompé ; dans une personne si jeune, cela n’indique-t-il pas une corruption bien enracinée ? Entourez-la d’une grande surveillance ; votre exemple et vos conseils la ramèneront bientôt à d’honnêtes sentiments.

M. de Charny parla quelques minutes encore sur ce ton-là, puis se retira, non sans de profondes révérences. Au bout d’un quart d’heure, Suzanne entendit rouler la voiture qui l’avait amenée ; elle donna par la pensée un dernier adieu aux choses de la vie qui la fuyaient, et suivit une sœur qui vint la chercher. Le parloir du couvent était coupé en deux par une grille dont les mailles étaient couvertes d’un rideau de serge noire ; un banc régnait tout autour de cette pièce assez grande, et percée de trois fenêtres à châssis de plomb, d’où le jour