Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aura l’extrême douleur de devoir prendre de nouvelles mesures qui assureront à la fois votre repos et celui de l’État.

– Dites à monseigneur le ministre que je suis prête à tout souffrir, mais que je ne suis pas prête à rien céder.

– Madame, répliqua M. de Charny en saluant Mme d’Albergotti qui s’était levée, j’aurai l’honneur de vous revoir dans un mois, et vais prier Dieu pour que vos résolutions soient changées à ce moment-là.

Le lendemain, au point du jour, les cloches du couvent des dames bénédictines de la rue du Cherche-Midi sonnaient à toute volée. La cérémonie de prise d’habit était une solennité religieuse assez fréquente au temps où se passe cette histoire, mais qui ne laissait pas d’attirer au sein des couvents une grande foule toujours avide d’un spectacle où l’émotion ne manquait pas. On y voyait en grand nombre des dames et des seigneurs de la cour, et ce jour-là la pompe remplaçait dans les chapelles et les cloîtres le silence et les profondes méditations. Suzanne s’était rendue de bonne heure auprès de Gabrielle. Elle trouva son amie, plus pâle qu’un linceul, qui priait au pied de son lit virginal.

– Il est temps encore ! lui dit Suzanne en l’embrassant.

– Non, répondit Gabrielle d’une voix ferme, il le faut ; le deuil est dans le cœur, qu’importe un voile sur la tête !

En ce moment la bonne tante entra. Elle s’efforçait de pleurer, mais sa figure grimaçait. Elle se jeta au cou de sa nièce et l’accabla de tendres caresses. Gabrielle se laissa faire ; mais en se tournant vers Suzanne, elle lui dit avec un sourire navrant :

– C’est une goutte du calice !

M. de Mesle avait demandé à voir sa fille. Ce jour-là, les barrières du couvent tombaient devant les grands parents. On le conduisit à la cellule de Gabrielle, qui ne l’avait pas embrassé depuis plusieurs mois. D’un