Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/357

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levait la croix vers le ciel, et de ses doigts étendus bénissait la foule ; les sœurs priaient en chœur, et l’orgue mugissait sous la voûte. Une indicible pitié serrait tous les cœurs, à la vue de cette enfant qui renonçait à toutes les joies bénies de Dieu, et qui, si proche du berceau, était déjà fiancée de la mort. Suzanne sanglotait dans un coin de la chapelle ; M. de Mesle était tombé sur ses genoux, les mains jointes, et regrettant de vivre. Quand la dernière boucle de cheveux fut coupée, la mère Évangélique jeta un voile sur la tête de Gabrielle, les chants éclatèrent ; la grille du chœur retomba sur ses gonds. Gabrielle n’appartenait plus au monde.


Le lendemain du jour où Gabrielle avait pris le voile, Suzanne rencontra M. de Charny sur la terrasse du couvent ; M. de Charny lui fit un salut profond, Suzanne inclina sa tête et passa. La vue de cet homme lui inspirait une horreur invincible, et la faisait frissonner comme un enfant qui vient de mettre le pied sur un serpent. À son réveil, le jour suivant, elle trouva sur l’une des chaises de sa chambre un habillement complet de novice : la robe, le voile, le chapelet ; ses vêtements de la veille avaient disparu ; la clef restant sur la porte toute la nuit, selon la règle du couvent, on avait profité de son sommeil pour les enlever. Suzanne hésita un instant avant de s’en revêtir, mais il n’entrait pas dans son caractère de se révolter pour les petites choses. Aux misérables tracasseries dont on l’abreuvait, elle opposait sans cesse un front calme et une pieuse résignation.