Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/358

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Seulement elle se rendit chez la supérieure aussitôt après qu’elle se fut habillée.

– Madame, lui dit-elle, car elle n’avait jamais pu se résoudre à l’appeler ma mère, j’ai pris ces habits, les seuls qui m’aient été laissés ; mais, en me soumettant, j’éprouve le besoin de protester contre la violence morale qui m’est faite. Si c’est à vous que je dois cette robe et ce voile, je le dis à vous-même, madame : vous abusez de votre autorité. J’y cède, mais je n’y obéis pas.

– Cette pensée ne vient pas de moi, ma fille, répondit la supérieure avec un sourire mielleux ; les personnes qui me l’ont inspirée vous portent un vif intérêt.

– M. de Louvois, et peut-être aussi M. de Charny, madame ?

– Vous les avez nommés, ma fille : vous savez bien que souvent les personnes qui nous dirigent connaissent mieux que nous-mêmes ce qui nous convient. Je regrette que vous ne vouliez pas apprécier leurs bonnes intentions, mais j’espère que vous reviendrez à de meilleurs sentiments.

– Gardez votre espérance, madame, je garde ma conviction.

– La grâce vous éclairera, ma fille.

– La religion me défend de commettre un sacrilège ; vous-même ne me conseilleriez pas d’apporter à Dieu un cœur qui ne lui appartient pas tout entier.

– Dieu commande tous les sacrifices, ma fille.

Suzanne salua la mère Évangélique et sortit sans répondre. À mesure qu’on se montrait plus acharné à la poursuivre, elle se sentait plus forte et plus résolue.

Quand Mlle de Mesle, maintenant sœur Gabrielle de la Rédemption, la vit sous ce costume, elle joignit les mains.

– Eh quoi ! vous aussi ? lui dit-elle.

– La robe ne change pas le cœur, répondit Suzanne ; je suis à Belle-Rose : aucune puissance humaine ne me fera renoncer à lui.