Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/368

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Cornélius avait Claudine pour consolatrice, et c’en était une assez agréable pour qu’il trouvât quelque douceur à vivre ; Claudine avait Cornélius, et c’était un grand soulagement à ses peines ; mais la Déroute n’avait pour toute raison de patienter que sa fureur contre Bouletord. Il passait son temps à maugréer comme un beau diable, et c’était une chose plaisante à voir que l’opposition de sa figure placide et paisible avec les horribles serments qu’il entassait du matin au soir. À mesure que Belle-Rose entrait en convalescence, il demandait plus fréquemment des nouvelles de Suzanne, et s’étonnait de n’en pas recevoir. Un jour la Déroute, n’y tenant plus, se présenta devant Cornélius et Claudine tout équipé, avec de grosses bottes, un grand manteau sur l’épaule, une rapière au côté et une valise sous le bras.

– Monsieur, dit-il rapidement à Cornélius, comme un homme qui ne veut pas souffrir d’objection, je viens vous demander vos commissions ainsi que celles de Mlle Grinedal.

– Où diable vas-tu dans cet équipage ?

– À Paris.

– Tu t’y feras prendre.

– Bah ! les balles et les boulets ne m’ont pas encore attrapé, et ce n’est pas Bouletord qui fera ce qu’ils n’ont pu faire. Tenez, monsieur, traitez-moi de cœur de poulet si vous voulez, mais les plaintes de mon capitaine m’arrachent l’âme ; j’aurai des nouvelles de Suzanne, je saurai ce que cet enragé de M. de Louvois a fait d’elle, et je la sauverai ou j’y laisserai ma peau. Le bout du doigt ou seulement une lettre de Mme d’Albergotti vaudrait mieux pour guérir mon capitaine que tous ces ingrédients de toutes sortes qu’on met sur sa blessure.

Cornélius et Claudine prirent chacun une main de la Déroute et la serrèrent fortement.

– Va, lui dirent-ils, et que Dieu te conduise.

– Oh ! reprit-il avec son sourire tranquille, j’ai bon