Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/400

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Déroute d’un air innocent, c’est plus fort que moi, j’ai pour les animaux une tendresse inimaginable ; c’est à ce point que quand j’étais chez nous, je ne souffrais pas que d’autres s’en occupassent. Lorsque j’en vois un qui pâtit, je m’ôterais plutôt le morceau de la bouche pour le lui donner.

Tout en caressant les chiens qui gambadaient autour de lui, la Déroute prenait possession de son nouveau domaine ; il allait du potager aux serres et des quinconces au verger, afin de se bien mettre dans la tête la topographie des lieux. Le père Jérôme l’accompagnait dans sa visite, et mêlait à ses dissertations sur les travaux du jardinage des commentaires sur les Patu de Beaugency. La Déroute avait réponse à tout, et faisait avec une imperturbable tranquillité la biographie de trente personnes qu’il ne connaissait pas, s’aidant, sans avoir l’air d’y prendre garde, des souvenirs de Jérôme, et faisant mille contes quand la mémoire du vieux était à bout. Vers le soir, la Déroute connaissait le jardin du couvent comme s’il l’avait habité toute sa vie. Il en savait tous les coins et recoins, les petits sentiers et les endroits où l’on pouvait s’aider des arbres pour grimper au mur. Au moment de rentrer, Jérôme le poussa par le coude.

– Hé ! mon neveu, lui dit-il, regarde au bout de cette charmille, et tu verras une créature du bon Dieu qui a toujours quelque chose de luisant à me laisser aux doigts.

– Tiens, je veux y voir de plus près, repartit la Déroute, et il marcha vers le bout de la charmille.

L’oncle l’y suivit.

L’œil perçant de la Déroute avait promptement reconnu Claudine, et il n’était point fâché de se mettre en communication avec elle.

– Ma bonne dame, dit Jérôme, le chapeau bas et la main ouverte, voilà mon neveu, un honnête garçon,