Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/41

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de l’ennemi ; les Hongrois, écrasés sous une grêle de balles partant de tous les côtés à la fois, pressés par la fougue ardente des cavaliers qu’enflammait l’exemple de M. d’Assonville, mollirent et lâchèrent pied. Un soldat regarda en arrière, un autre tourna bride, un troisième se jeta tout armé dans la Ternoise, dix ou douze décampèrent, un escadron plia tout entier, puis tous enfin reculèrent dans un désordre affreux.

– En avant ! cria de nouveau M. d’Assonville, et poussant son cheval sur les derniers combattants, il précipita toute la troupe dans la rivière. Quand les chevaux enfoncèrent les pieds dans l’eau, ce fut une déroute. Les Hongrois et les Croates partirent au galop, jetant leurs mousquetons, et le sabre hacha les fuyards.

Jacques voyait pour la première fois et de près toutes les horreurs d’un combat. L’émotion faisait trembler ses lèvres ; mais le piaffement des chevaux, l’éclat des armes, le bruit des explosions, l’odeur de la poudre, excitaient son jeune courage ; il brandit son sabre d’une main ferme et se lança tout droit devant lui. Un Croate qu’il heurta dans sa course lui lâcha à bout portant un coup de pistolet ; la balle traversa le chapeau de Jacques à deux pouces du front. Jacques riposta par un coup de pointe furieux. Le Croate tomba sur le dos, les bras étendus ; le sabre lui était entré dans la gorge ; Jacques sentit jaillir sur sa main le sang bouillonnant et chaud ; il regarda le soldat pâlissant qu’emportait le cheval effaré. C’était le premier homme qu’il tuait ; Jacques abaissa la pointe de son sabre et frissonna, mais il était au premier rang, et le tourbillon le poussa en avant. Au milieu de la mêlée, Jacques rencontra M. d’Assonville et se tint dès lors à son côté. Tous deux les premiers firent entrer leurs chevaux dans la rivière rougie, mais quand il n’y eut plus que des fuyards, tous deux remirent leur sabre au fourreau. Le capitaine tendit la main au soldat.

– Tu t’es bien conduit, Jacques, lui dit-il. Mordieu !