Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/442

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Charny s’étant cabré à la première explosion, la balle de Grippard, qui devait frapper M. de Charny en plein corps, atteignit la bête au poitrail. Le cheval tomba sur ses jarrets, se releva et tomba de nouveau, entraînant M. de Charny dans sa chute. La maréchaussée, voyant ses deux chefs par terre, s’arrêta brusquement ; deux ou trois archers quittèrent l’étrier pour porter secours à M. de Charny, les autres lâchèrent leurs mousquets sur la Déroute et Grippard ; mais Grippard et la Déroute couraient déjà du côté de l’abbaye ; les balles sifflèrent à leurs oreilles, et ce fut tout. M. de Pomereux, à la tête de ses laquais, caracolait à la suite des archers et paraissait prendre un vif intérêt aux incidents de cette escarmouche. On l’aurait dit au théâtre, assistant à la première représentation d’une comédie nouvelle. Aussitôt qu’il fut auprès de M. de Charny, il mit pied à terre et vint s’informer honnêtement de l’état de sa santé.

– Quand vous êtes tombé, monsieur, j’ai eu grand’peur, lui dit-il ; mais, à ce que je puis voir, vous n’êtes point blessé.

– Point du tout, répondit M. de Charny d’un ton bourru.

– C’est un coup de fortune, monsieur ; car, en vérité, il faut rendre justice au talent de ces gaillards-là. J’y suis pour un cheval de mille écus, qui s’est fait tuer avec une générosité tout à fait estimable. Il est fâcheux que ce pauvre Bouletord n’ait point eu un cheval aussi vertueux.

– Eh ! monsieur, au lieu de discourir, il me semble que vous feriez mieux de galoper ! s’écria M. de Charny.

– C’est un point sur lequel j’ai le regret de n’être point d’accord avec votre seigneurie. Certainement, je ne suis point tout à fait mort comme ce pauvre diable de Bouletord, que je vois là-bas couché comme un tronc d’arbre, mais je ne vaux guère mieux.

M. de Charny haussa les épaules.

– Que voulez-vous ! reprit M. de Pomereux, ces