Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/451

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apparent, dans une nature aussi violente, annonçait un ressentiment profond. M. de Charny ne s’y méprit pas. Après qu’il eut terminé, M. de Louvois se leva :

– Vous connaissez, dit-il, l’humeur de Sa Majesté. Le roi Louis XIV ne plaisante pas en matière de religion. Tout ce qui touche aux choses de l’Église lui est sacré. Si vous aviez pénétré dans le sanctuaire de l’abbaye, j’aurais été contraint de vous désavouer, et peut-être ne m’eût-il jamais pardonné cette violence. Il faut attendre.

M. de Charny attacha son regard perçant sur le ministre.

– L’attente n’est pas l’oubli, reprit M. de Louvois. Que ce soit dans un mois ou dans un an, tôt ou tard, Belle-Rose et Mme d’Albergotti sortiront de l’abbaye de Sainte-Claire d’Ennery ; la fortune les a trop souvent secourus pour qu’elle ne les trahisse pas un jour. Ce jour sera le nôtre.

– Nous attendrons, dit M. de Charny avec un sourire sinistre.

– Sachez ce qu’ils font et ce qu’ils veulent faire. Si l’un ou l’autre ou tous deux essayent de quitter l’abbaye, n’y mettez aucun obstacle ; mais surveillez leur départ. Trop de précaution les épouvanterait et donnerait à Mme de Châteaufort et à M. de Luxembourg le temps d’agir pour eux. Il faut qu’ils soient imprudents. Vous me comprenez ?

– Parfaitement.

– Nous avons été joués deux fois, vous et moi ; c’est trop de deux : Belle-Rose s’est échappé de la Bastille, Mme d’Albergotti a fui du couvent des dames bénédictines, ils sont à présent réunis…

– Une victoire nous vengera des deux défaites.

– Quant à M. de Pomereux, je lui ferai bien voir que la chevalerie n’est plus de saison.

– Je crois qu’il était blessé, monseigneur, reprit M. de Charny d’un air de commisération.