Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/488

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s’ouvrit, l’espion retint son souffle, et Belle-Rose sortit. Le ciel commençait à se découvrir, et l’on apercevait entre les nuages de larges bandes d’un azur profond, d’où venait une pâle clarté. Belle-Rose s’engagea dans la rue des Canettes et prit par la rue du Four le chemin du carrefour Buci ; il marchait à grands pas et tournait brusquement le coin des rues.

– Cet homme n’est pas en peine d’un asile et sait où il va, se dit l’espion qui longeait les murailles à ses trousses.

Belle-Rose regardait devant lui ; l’espion regardait de tous côtés, cherchant un camarade, mais les cabarets étaient fermés ; Paris semblait désert. Deux heures venaient de sonner à l’horloge de la Sorbonne. Au coin de la rue Saint-André-des-Arts, ils rencontrèrent des voleurs en train de forcer une boutique ; un peu plus loin, rue Pavée, ils virent un étudiant qui grimpait par une échelle à un balcon. Belle-Rose n’avait que faire d’inquiéter les filous et les amants : il passa. L’espion le suivit. Comme il arrivait sur le quai, Belle-Rose crut entendre marcher à une centaine de pas derrière lui ; il se retourna et ne vit rien ; au bout du pont Saint-Michel, le même bruit se renouvela ; cette fois Belle-Rose aperçut une ombre noire qui filait le long du parapet.

– On me suit, pensa Belle-Rose.

Et pour s’en assurer, au lieu de prendre par la rue de la Barillerie, il tourna le coin de la rue de la Calandre et s’arrêta à la partie qui touche à la rue de la Juiverie, prêtant l’oreille. Belle-Rose mit la main sur la garde de son poignard, entr’ouvrit son manteau pour être prêt en cas d’attaque et se dirigea vers le pont Notre-Dame. L’espion n’avait rien remarqué ; mais en passant dans la rue de la Lanterne, qui aboutit au quai, il aperçut derrière les vitres d’un cabaret mal fermé un de ses camarades qui buvait. Il entra et lui frappa sur l’épaule.