Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/49

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ceux qui ne coûtent rien. Il est vrai que lorsqu’on est beau garçon, on a une chance nouvelle. Ma foi, oui ! Où diable avais-je l’esprit de n’y pas penser ? On peut plaire à quelque douairière qui vous place alors dans ses affections, juste entre son épagneul et son confesseur ; le matin, on sort de son appartement par la porte secrète. Au bout d’un mois, on est le commensal de la maison en qualité de secrétaire ; on a le teint fleuri, la bouche vermeille, et l’on a tout le jour pour se reposer !

Jacques fit un geste de dégoût.

– Non ! alors il nous reste l’espoir de devenir intendant. Bon métier ! Sais-tu voler, Jacques ?

Jacques pâlit et se leva.

– Monsieur ! dit-il d’une voix étranglée par l’émotion.

M. d’Assonville le regarda sans qu’un muscle de son visage tressaillît. Jacques passa ses mains dans les longues boucles de ses cheveux blonds. Un soupir profond sortit de sa poitrine et il se rassit.

– Pardonnez-moi, monsieur le comte, reprit-il ; je ne m’attendais pas à cet outrage de vous qui avez dormi dans les bras de mon père ! Vous avez voulu sans doute me punir d’avoir si promptement oublié la distance qui existe entre nous, mais vous l’avez fait méchamment, monsieur le comte. Vous n’avez pas le désir de me venir en aide, je le vois bien. Je prendrai donc conseil des circonstances ; mais, quoi qu’il puisse advenir et dans quelque situation que je me trouve, croyez-le bien, jamais je n’oublierai que j’ai, pour me juger, mon Dieu là-haut et mon père là-bas.

– Tu es un brave et loyal garçon, mon ami Jacques, et je suis fier de presser ta main, répondit M. d’Assonville ; j’ai voulu t’éprouver, et maintenant que je sais ton âme aussi ferme que ton bras est fort, je te parlerai en homme. Tu n’as rien à faire dans les chevau-légers. Serais-tu le plus instruit, le plus hardi et le plus intelligent soldat de la compagnie, le plus mince cadet de famille expédié de Paris par la cour te passerait sur le corps. Tu n’as