Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/543

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dépêches et monta en chaise de poste, après avoir fait ses adieux à M. de Luxembourg et à M. de Nancrais.

– Ne vous endormez pas dans les délices de Sainte-Claire d’Ennery, lui dit en souriant M. de Nancrais.

– Oh ! ne craignez rien, s’écria la Déroute, je pars avec lui.

On laissa Cornélius au camp avec Pierre, et l’on partit. Le rendez-vous était devant Utrecht. Si la Déroute n’avait pas pu quitter Belle-Rose, Grippard, de son côté, n’avait pas pu se séparer de la Déroute. Celui-ci était piqueur, celui-là était postillon ; quand ils étaient ensemble, il n’y avait plus ni caporal ni sergent : ils étaient comme l’ombre et le corps. On mit une grande diligence à franchir la distance qui s’étend des bords du Rhin à Paris. Bien que Belle-Rose y retournât dans des conditions aussi belles qu’il les pouvait souhaiter, il ne laissait pas d’être saisi d’une tristesse invincible, et quelque effort qu’il fît pour la chasser, elle revenait toujours s’étendre comme un voile sur son esprit. La mort de M. de Pomereux était pour beaucoup, sans doute, dans cette tristesse. Ce brave gentilhomme lui avait donné tant de preuves d’un dévouement chevaleresque, que Belle-Rose s’était pris d’une sincère amitié pour lui. Cependant il ne se rappelait pas que la mort de M. d’Assonville l’eût rempli d’un si grand accablement ; il en avait éprouvé une douleur profonde et durable, mais non cette sorte de malaise qu’il ne pouvait surmonter. Il en arriva à penser que c’était un pressentiment, et sa mélancolie s’en augmenta. Les caractères les plus fermes sont sujets à des abattements qui puisent leurs causes dans les replis les plus intimes du cœur ; mais Belle-Rose était de ceux qui sacrifient tout à l’accomplissement d’un devoir ; il laissa Sainte-Claire d’Ennery, où étaient toutes ses affections, sur sa droite, et poussa tout d’un trait jusqu’à Paris. La chaise, précédée de la Déroute, entra à fond de train dans la cour