Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/556

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revoir Suzanne, et inquiet de l’absence de la Déroute, il allait grand train. La nuit était venue, une nuit d’été, claire et tout étoilée. Quand la voiture fut au delà de Pontoise, il entendit tinter au milieu du silence profond la cloche aux sons funèbres. La voix de bronze venait du côté de Sainte-Claire d’Ennery, de cette abbaye où il avait laissé tout ce qui l’attachait au monde. Une sueur froide mouilla les tempes de Belle-Rose ; sur son ordre, Grippard fouetta les chevaux. Il y avait le long des sentiers des paysans qui couraient du côté de l’abbaye ; les vieilles femmes s’agenouillaient aux portes de leurs cabanes et priaient ; les sons de la cloche roulaient dans le ciel, qu’ils remplissaient de tristesse. Toute la population des campagnes s’était levée à l’appel du bronze sacré : une âme chrétienne demandait une prière aux vivants.

– Depuis combien de temps cette cloche sonne-t-elle ? dit Belle-Rose à une jeune fille qui s’avançait pieds nus sur le chemin.

– Voilà trois heures déjà qu’elle nous a réveillés, dit-elle.

La voiture passa comme le vent. Le glas funèbre bourdonnait aux oreilles de Belle-Rose. Cette voix de la mort au milieu de ces campagnes tranquilles figeait le sang dans ses veines. Quand il fut proche de l’abbaye, il vit, par les grandes portes ouvertes, les religieuses qui priaient dans la chapelle et la foule silencieuse qui se pressait sous la sombre voûte. Belle-Rose entra dans l’abbaye, ne sachant pas encore quel nouveau malheur le menaçait. Une sœur qui l’attendait le mena à l’appartement de l’abbesse. Quand la porte s’ouvrit, et qu’il vit sur son lit Geneviève étendue, immobile, et blanche déjà de la couleur des cadavres, Belle-Rose comprit tout. Geneviève avait une main sur la tête de Gaston et de l’autre pressait un crucifix sur ses lèvres. À la vue de Belle-Rose, elle se souleva lentement. On eût dit qu’elle