Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/559

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la Déroute, qui sortait aussi. La Déroute resta seul avec Belle-Rose. Le sergent regardait le colonel avec un sentiment indéfinissable de curiosité. Il ne l’avait jamais vu si calme et si terrible ; ses traits avaient la rigidité du marbre.

– Grippard est-il là ? demanda Belle-Rose.

– Il est en bas, auprès des chevaux.

– Il faut qu’il vienne.

On appela Grippard qui accourut.

– Mon vieux camarade, et toi, Grippard, qui es, ainsi que lui, fidèle et résolu, vous allez me suivre.

– Tout de suite, répondirent-ils ensemble.

– Ce que je vous dirai de faire, vous le ferez.

– Sur-le-champ.

– Prenez donc vos épées et des pistolets.

– Nous les avons.

– Sellez maintenant les chevaux, et partons.

Grippard courut à l’écurie, la Déroute prit les manteaux, et l’on quitta l’abbaye le plus doucement qu’on put. La nuit était noire, triste et pleine de bruits sinistres comme aux heures où l’orage accourt de l’horizon. On franchit une fois encore cette route que Belle-Rose avait parcourue si souvent déjà et dans des circonstances bien diverses. Aucun des trois cavaliers n’ouvrit la bouche. Belle-Rose en avant, ferme, implacable et rapide comme le destin. Ils entrèrent dans Paris ; sur l’ordre du colonel, la Déroute heurta à la porte d’un marchand de mercerie. Il prit trois masques, et chacun d’eux en noua un sur son visage. Les chevaux furent laissés dans une auberge, et les trois soldats s’enfoncèrent dans la ville.

– C’est ici, dit Belle-Rose, quand ils furent arrivés devant l’hôtel de M. de Louvois.

Collés contre un mur sombre, ils attendirent longtemps, immobiles comme des blocs de pierre. Un peu après minuit, une voiture sortit de la cour ; elle était