Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/65

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grands discours sur notre fortune et sur le bonheur que je goûterais étant riche et titrée ; tout cela était dit sans méchanceté aucune et de la meilleure foi du monde. Quand M. de Malzonvilliers me quitta, j’étais comme étourdie. Au bout d’une heure, le trouble de mes esprits se calma, et je me fis tout haut à moi-même la promesse de n’épouser jamais que vous. Vers le soir, très résolue à suivre mon projet, je me rendis chez vous pour raconter ce qui se passait à Claudine. Ce fut votre père qui me reçut. Que devins-je, mon ami, lorsque je l’entendis m’exhorter à vous oublier ! Je résistai ; alors, prenant mes mains dans les siennes, et courbant son front chargé de cheveux blancs devant le mien, il me supplia d’obéir à M. de Malzonvilliers, au nom de son propre honneur à lui, Guillaume Grinedal, au nom du vôtre, Jacques ! Il ne voulait pas que l’on pût porter contre lui l’accusation d’avoir toléré notre mutuelle tendresse, ni que l’on vous supposât coupable d’avoir abusé de la confiance de mon père dans l’espoir de m’épouser pour augmenter votre fortune ! Il m’assura que jamais il ne consentirait à l’union de son fils avec une personne qui le choisirait contre le gré de sa famille ; j’ai vu pleurer ce vieillard, mon ami, et je me suis retirée toute bouleversée. Dans mon isolement, je me suis jetée aux pieds d’un vieux prêtre, mon confesseur. Il m’a écoutée avec une pieuse charité. – Élevez votre âme à Dieu, m’a-t-il dit, et faites-lui une offrande de vos douleurs ; les enfants doivent obéissance à leurs parents.

« Un instant, j’ai eu la pensée de prendre le voile ; mais j’ai compris que si je me donnais à Dieu, j’étais perdue pour vous. Au moment où j’étais le plus tourmentée, votre sœur vint à moi. Ce n’était plus la jeune fille rieuse et folâtre que vous avez connue. Ses yeux étaient rouges à force d’avoir pleuré. – Suzanne, me dit-elle, c’est votre devoir d’obéir. Il vous aime trop bien pour ne pas vous pardonner. – Mon père arriva. Je compris qu’il attendait ma réponse : je me jetai dans