Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/71

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Belle-Rose venait d’apercevoir la campagne par les portes de la chapelle ; il se souvint de tout à la fois, et, sans répondre au bedeau tout interdit, il s’élança dehors.

Il franchit les terrasses toujours courant et bondissant au-dessus des haies et des fossés, et s’avança, plus rapide qu’un cerf, vers la maison de Guillaume Grinedal.

Le jardin était désert ; il le traversa et poussa la porte de la maison. Un homme se retourna, et Belle-Rose tomba à ses pieds.

– Mon père ! s’écria-t-il ; et il s’évanouit.

Le père s’agenouilla près de son fils. Il était seul, Claudine et Pierre étant restés au château. Le soldat gisait immobile ; la violence de ses émotions et la fatigue avaient brisé ses forces. Guillaume le prit dans ses bras et le coucha sur un banc fiché contre le mur. Le cœur de Belle-Rose sautait dans sa poitrine, mais ses yeux à demi fermés n’avaient plus de regard. Il y avait plus d’une heure qu’ils étaient ensemble, le fils sans voix et glacé, le père priant Dieu dans son âme, lorsque la porte, chassée violemment, livra passage à deux femmes enveloppées de mantes. Quand les mantes tombèrent, Guillaume reconnut Suzanne et Claudine. Suzanne arriva d’un bond contre le banc, elle se pencha sur Belle-Rose, le regarda un instant, puis, se relevant, elle tourna les yeux vers le fauconnier. Ses regards avaient une éloquence terrible. Leur éclair était chargé de toutes les terreurs, de tous les remords, de tous les reproches de l’amante. Guillaume comprit ce regard.

– Il vit, dit-il.

– Mais il va mourir, s’écria Suzanne.

– Dieu m’épargnera cette épreuve, dit le père.

– Oh ! je ne m’étais pas trompée ! reprit-elle, c’était bien lui ! Quand je l’ai vu si pâle qu’il avait bien plutôt l’apparence d’un mort que d’un vivant, tout mon sang s’est glacé. Ô Guillaume ! qu’avez-vous exigé ? Claudine, que m’as-tu fait faire ?

Ce n’était plus la même femme. Toute la réserve, tout